dimanche 18 janvier 2009

Pour Charlotte, Dominique, Lola et Yvon. Parfois votre chanson résonne dans mon coeur.

 Tes  yeux sont deux feuilles de menthe qui flottent à la surface de ton visage.

Elles sont perdues dans l'eau. J'ai peur qu'elles ne se noient.

Leurs nervures très fines se brouillent et le vert tourne au gris.

Mais pour un mot d'amour, le soleil assèche tout.

 

 

Comment partir, quitter le nid précaire, voler,

trouver son arbre , chanter sa propre histoire?

La main de Dominique est un oiseau qui cherche le vent.

 

 

Les cheveux de Lola sont une tempête.

Les vagues sombres ourlent son front, les flots se creusent,

Le vent hurle, l'écume éclabousse son visage.

 

 

Ta voix cascade, se perd, ressurgit, hoquette sur les cailloux.

Je m'épuise à la suivre, Yvon.

Il faut aller plus loin jusqu'à tes yeux. Ce sont des lacs tranquilles, d'un ciel profond.

Je m'assieds sur le bord, près de toi.

 

Un instant.

 Je l’ai croisé dans la piscine.

Je n’ai vu que son regard.

Bleu. Clair.

Mes yeux le boivent.

Je tombe dans un puits.

J’ai froid. J’ai chaud.

L’eau tout autour de moi, mille bras.

Je m’élargis, je deviens fleuve,

l’eau court à l’intérieur,

en cascade, en torrent,

un bruit de chute,

il y a du vent.

Deux mendiants.

Il est impérial, invincible. Il vit seul, en autarcie. Il est toujours à l'abri, de tout: de la pluie, de la pauvreté, de la peine, des regards, des attaques... Il vit derrière ses murailles, observant le monde à travers des machicoulis, méfiant, toujours.

Un jour, une elfe aux ailes transparentes et au coeur naïf  a traversé le pré. Sous la forteresse, elle a vu une rivière et des poissons d'argent. Elle est resté fureter aux alentours. Elle a dansé dans la prairie.

Et lui la regardait , bien à l'abri. Un jour, il a même ouvert une fenêtre.

Elle a continué à danser, à sourire, à chanter pour lui dans la prairie: « Mon coeur... »

Il aimait la regarder danser.

Les jours passaient. L'elfe dansait d'un sourire plus triste. « Mon coeur, je t'en supplie... »

Il la regardait désespérément danser.

Le temps coulait. L'elfe trébuchait. « Mon coeur, je t'en supplie, viens.... »

Mais plus personne ne regardait.


Au fil de l'eau.

« Ma vie part dans tous les sens... »

Cette petite phrase la tient éveillée de longues heures.

Elle déroule le fil.

Du début, on ne se souvient pas. Mystère de la source.

Puis, longues années de sagesse, de distraction et d'ennui.

Ensuite, paysage plein d'enfants et de courage paisible.

Et subitement, passions, déchirements, intensités, chutes, scandales, chaos, enchantements, voyages, réveils, quêtes, amertumes, éblouissements...

Pour finir, solitude habitée.

Pour aller où?

 

Cette nuit là, elle a rêvé d'un delta.

Embouchure disparate.

Les deltas sont fertiles.

 

Rencontre.

J'occupe un poste de direction dans une entreprise installée dans un immeuble d'avant-garde. Alluminium brossé, domotique, oeuvres d'art abstrait. Tout est parfait, lisse, exemplaire. Et tout ce dont j'ai besoin pour exercer ma fonction arrive dans mon bureau par des circuits très organisés et qui m'échappent totalement.

 

Un jour, faille: je n'ai plus de papier, la secrétaire est en vacances, le commis est malade et je décide, innocente, de trouver seule le chemin de la cave où je suppose, sont rangées les rames de papier.

Je descend l'ecalier, je passe une première porte. Tiens, il me semble que la lumière a changé. Ou la couleur des murs? Non c'est plutôt leur surface je crois. Moins lisse. Oui, il y a des crevasses. Je passe une autre porte. On dirait qu'il y a du brouillard dans le couloir. Et j'entends un bruit que je ne parviens pas à définir. J'avance encore. Mais où suis-je maintenant? J'ai l'impression d'avoir croisé d'autres corridors, d'être dans un labyrinthe.  Il fait de plus en plus sombre et j'ai peur. Pourtant, je continue, aimantée par la lueur que j'entrevois au bout du couloir qui maintenant, me semble plutôt être un tunnel. Le bruit se précise: un tambour sourd, non, un coeur immense plutôt. La lumière devient intense. Le battement s'accompagne d'un autre bruit, énorme et inconnu. Mon ombre danse derrière moi et parfois à côté, sur le mur. La lumière et le bruit viennent de gauche, je tourne... et j'arrive dans une grotte immense au milieu de laquelle, étallé sur un trésor des mille et une nuits, me regarde fixement, droit dans les yeux, jusqu'à l'âme, le plus grand, le plus impressionnant, le plus énigmatique des dragons que j'aie jamais rencontré.

 

Une guérison.

Il a soixante ans. Un battant. Ses machoires sont serrées, sa nuque est raide, son regard plein de colère et de défi. Il y a quelques jours, dans son grand bureau, il a eu un accident vasculaire cérébral.

Et là, assis dans son lit, à l'hôpital, il est en guerre avec l'univers entier. Il veut parler et il bredouille, il veut prendre son verre et ne peut l'atteindre, il veut marcher, il faut le soutenir. Le monde ne lui obéit plus. Il est un étranger chez lui.

 

C'est la nuit maintenant. Il a essayé de demander quelque chose à l'infirmière de garde. Elle n'a pas compris. Il est désespéré et fulminant.

 

Ajanta, la jeune stagiaire qui  parle mal le français, est entrée dans la chambre.

Lui, il n'a pas essayé de parler. Pas la peine. Elle, elle a vu les yeux noirs et le puits tout au fond.

Alors elle s'est penchée, elle a soufflé sur son coeur, doucement, puis elle s'est assise et elle lui a tenu la main. Personne ne pourrait dire combien de temps elle a chanté à l'intérieur la berceuse de son pays, et lui, le vieil enfant, dort paisiblement.

 

Mon petit bois.

Toujours j'ai rêvé d'une maison adossée à un bois.

J'ai trouvé ma maison. Pas le bois.

Comment attirer les arbres magiques de Tolkien?

Le joueur de flûte de mon enfance ne savait envoûter que les rats.

Qu'est ce qui donne envie aux arbres de secouer leurs racines et de se mettre en marche?

Quelle caresse leur fait suivre le désir de leur écorce?

Quel chant les attire qui redonne voix à leur ramure?

Quel parfum réveille leur sève et les fait courir?

Quelle eau les fait languir?

Qui est charmeur d'arbres et connaît leurs secrets?

J'ai besoin d'une forêt.