lundi 13 mai 2024

Une sorte de variante du suicide assisté

 « Trouve ce que tu aimes et laisse-le te tuer » Bukowski


Je me demande à quoi je suis le plus accro?

A l’alcool,

Au sexe, 

Au piment,

Aux idées.  (1)


 Je suis accro à tout cela moi, sauf au piment. Tant d’addictions me donnent peu de chance de mourir centenaire, heureusement: je veux finir à l’heure, sans traînasser. Pour mourir dans de bonnes conditions, il est utile d’avoir plusieurs cordes à son arc. Je pressens déjà que j’aurai bien besoin des trois. 


Je pense que l’alcool n’est pas l’option idéale pour moi. Avec les années, le vin blanc m’empêche de dormir et je digère de plus en plus mal le vin rouge. Je ne veux pas m’imposer une mort par insomnies ou par nausées. Mourir n’est déjà pas vraiment rigolo, alors…Il me reste les bulles. Je les digère bien et elles me mettent en joie. Mais le champagne est hors de prix. Sauf à hypothéquer ma maison et à priver mes enfants de tout héritage, je n’ai pas les moyens d’arriver à mes fins. Et mourir au cava, c’est « cheap » dans mon imaginaire. Si j’arrivais à surmonter toutes ces difficultés, mourir uniquement par l’alcool resterait une fin tragique: je devrais me saouler seule, chaque soir, en face de mon chien sympa qui n’y comprendrait rien. Je n’y renonce pas tout à fait mais cela ne suffit pas pour mourir dans un confort joyeux.


Comment mon addiction au sexe pourrait-elle me tuer?

C’est un sujet vraiment difficile à aborder en atelier d’écriture ( c’est là que j’écris ceci). Je vais devoir lire mon texte à haute voix et je ne suis pas certaine de terminer la page. Une telle introspection sur un sujet intime et délicat, c’est risqué si je veux continuer à participer à l‘atelier…  Je n’aurais pas dû être aussi franche. Comme d’habitude, je n’anticipe pas assez les conséquences. Pourtant les morts potentielles que j’entrevois me font rire ou sourire. Mais décidément, je n’ose pas décrire ces morts secrètes, sensuelles, enivrantes ou drôles. C’est mon partenaire qui sera à plaindre, moi, je ne serai plus là.


Ma dernière addiction, celle aux idées, pourrait me tuer plus certainement que les deux précédentes. Mais plus lentement sans doute. Pour réussir brillamment, j’ai besoin d’un accessoire indispensable: un partenaire fiable. Les idées ne me viennent qu’en parlant à quelqu’un. A un homme de préférence. Qui ne doit pas être celui du paragraphe précédent. Les second rôles difficiles ne doivent pas tous peser sur la même personne et je souhaite que mes partenaires d’échanges restent en vie. 

Cette passionnante marche vers la mort grâce à mon addiction aux idées serait palpitante. C’est une drogue douce et sans limites, aux effets imprévisibles. Je pourrais enfin me laisser aller à collectionner les idées saugrenues, fulgurantes, poétiques, tendres, rigolotes, fantaisistes, inédites… Leur flot serait soutenu par les réparties courtes et pertinentes de mon compagnon. Son rôle est ingrat. Mais après tout, c’est moi qui doit mourir, pas lui. Il est impératif que cet homme soit perspicace, patient, ingénieux. Capable de relancer ma créativité en cas de panne. Fidèle au poste, il doit soutenir l’intensité du processus. Les idées doivent jaillir sans coup férir, leur débit peut varier mais l’écoulement  ne doit pas tarir pour pouvoir en mourir dans un délai raisonnable. 

A l’instant, mes questions s’accumulent en avalanche:

A quel moment et dans quelles conditions vais-je entrer dans une transe initiatique, une ébullition de neurones, un chaos créateur et mortifère à la fois?

Dois-je continuer à me nourrir? A dormir? Comment ne pas ralentir le processus mais au contraire le magnifier, l’accélérer, l’embellir?

Peut-être faut-il se retirer dans un lieu tranquille, à l’abri des distractions?

Devrions-nous enregistrer les conversations sous cette tension mortelle pour que la science en tire quelques bénéfices? 

Quels sont les processus chimiques et psychiques qui pourraient mener à la mort par excès d’idées? 

Est-ce que les idées foisonnantes finissent par prendre des couleurs?

Leur long jaillissement -je n’imagine pas mourir très rapidement de cette façon- devient-il de plus en plus chaotique ou au contraire involontairement presque symphonique? 



J’appelle Fons. Il est flamand et très fiable. Le partenaire idéal  pour cette troisième addiction. Pour la seconde, une recherche sur un site de rencontre s’impose . Quelle corvée! ( la recherche, pas l’addiction). Ma première addiction peut accompagner les deux autres, joyeusement!



(1)  Charly Delwart. « Que ferais-je à ma place? » J’ai oublié de noter la page. Tout est drôle dans ce livre!



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