lundi 20 février 2023

Pas de lettre pendant les vacances 5.

 Mais qu'est ce qu'elle fait cette créature? Je l'observe depuis quelques temps et je n'y comprends rien. C'est bizarre d'ailleurs d'être le Tout Puissant et de ne rien comprendre au comportement d'une de ses œuvres. D'ordinaire les concepteurs ont une connaissance approfondie du fonctionnement de leurs inventions. Mais là, c'est à en perdre mon latin...


Un homme est là, à l'ombre d'un arbre, d'un pommier me semble-t-il - ma vue baisse avec les siècles- j'essaye de me souvenir de son nom: Schmuf ou Schmuk plutôt . 

Schmuk donc, se gave de fruits en boîte à l'ombre du pommier. Je reconnais la boîte, même de loin: il s'agit d'un produit " Paradise S.A." Déjà, ce comportement n'est pas très orthodoxe: il mange directement  dans la boîte, il plonge sa cuillère à un rythme effarant, je suis certain qu'il n'a pas le temps de savourer ce qu'il avale. À ses côtés, il y a une belle nana dans le plus simple appareil mais il s'en fout. Il s'en fout, c'est évident. Il est  le nez dans sa boîte et il dévore. 


Elle, je ne connais pas son nom, enfin, je l'ai oublié, -c'est triste , à mon âge j'ai parfois des trous de mémoire- , elle s'étire, elle se lisse les cheveux, elle passe la main dans ses cheveux à lui, elle lui sourit quand il lève les yeux de sa foutue boîte mais cela n'a aucun effet. -Il est fou ce gars, il ne voit pas comme elle est belle? Elle est belle! Je me souviens de son prénom à l'instant: Brigitte, c'est Brigitte!-

Elle continue.- Elle ne se décourage pas vite, ma parole! Moi je lui aurais déjà mis mon poing quelque part à cet idiot.- 

Maintenant, elle fait des petits mouvements avec les doigts sur le dos de la main de ce bête Schmuk. Mais que fait-elle? Que fait cette créature de rêve? Elle persévère. Elle refait les mêmes petits mouvements sur le dos de sa main. Schmuk secoue la tête pour dire non.

Elle s'obstine et remet cela. Je me penche pour mieux voir. Elle ne le caresse pas vraiment même si ses mouvements sont très doux. Ah! Je comprends! Elle écrit sur le dos de sa main. Je n'arrive pas à lire toutes les lettres d'aussi loin mais c'est clair: elle lui écrit quelque chose, toujours la même chose je crois. 

Et lui il gueule , la bouche pleine, je l'entends jusqu'ici:  "ah non! pas de lettres pendant les vacances, hein! " 

Moi je crois surtout qu'il ne sait pas lire, cet imbécile! 


samedi 18 février 2023

Pas de lettre pendant les vacances 4.

  La première fois que Solo pinça son nouveau stylo entre le pouce et l'index de sa main gauche, il fut si fier qu'il se sentit pousser des épaulettes. Jusqu'à présent, il n'avait pas trouvé de remède à son mal. Ce stylo, c'était l'instrument de sa victoire. Enfin, il allait vivre en paix, délivré des histoires anciennes qui hantaient ses nuits et ses jours aussi, parfois.

Ce stylo, c'était son salut, sa rédemption, la fin de sa quête. Un stylo qui glissait sur le papier comme un poisson dans la rivière, sans bruit, sans accroc. Grâce à lui, il allait visiter les abîmes marins de ses manques, capter ses rêves comme on ferre une truite argentée. Il allait désencombrer sa mémoire, faire une hécatombe de souvenirs, ouvrir une clairière dans la forêt  d'histoires qui lui remplissaient la tête.     

Une fois tous ses cauchemars couchés sur le papier, le balancier de ses jours allait revenir à l'horizontale. Il allait retrouver son innocence et marcher tranquillement à travers le reste de sa vie.


Solo érigea tout autour de lui une barrière de silence. Il se pencha sur la feuille. Les mots qui neigeaient dans sa tête tourbillonnèrent sur le papier. Le vent les poussait comme des oiseaux dans la tempête, la page se remplissait de banderoles calligraphiées: pas de vacances pour les lettres qui se précipitaient en longues phrases, se bousculaient pour s'échapper du stylo, couraient haletantes jusqu'au bas de la feuille, sautaient pour atteindre l'autre côté et repartir de plus belle, guirlandes crépitantes, éclairs zébrant le papier, trous noirs de mémoire.


Toute la nuit, jusqu'à l'heure du premier café, le stylo transfusa les souvenirs désordonnés de Solo. Au premier chant d'oiseau, Solo s'endormit sur la table, souriant comme un nourrisson.


jeudi 16 février 2023

Pas de lettre pendant les vacances 3.

Nous venons prendre des nouvelles. Comment est-elle? 

Oui, nous le savons, elle n'est pas encore née. Ce sont les vacances maintenant, rien ne se passe. 

Sens -tu si elle est tranquille ou agitée? Tu l'obliges à rester enfermée, à ne pas sortir pendant tout ce temps, l'accepte-t-elle? Ou l'entend- tu protester, se débattre, pleurer? Profite-t-elle de l'attente forcée pour s'allonger, grandir, se mettre en forme, se parfumer, trouver ses premiers mots, choisir ses couleurs? 

Tu ne sais pas? Elle est trop petite? Et quand ce sera le jour, crois-tu qu'elle va se glisser dehors doucement, en clignant des yeux et puis se déplier lentement, comme un coquelicot ? ou bien va-t-elle jaillir comme le soleil du matin, dans un geyser d'impatience et courir, courir, courir...

Nous l'attendons, nous l'imaginons, elle est déjà là peut-être ...


 

mercredi 15 février 2023

Pas de lettre pendant les vacances 2.



Mon amour, 


Je ne t'enverrai pas de lettre pendant mes vacances. Impossible de t'écrire. Je serai loin, je  penserai à toi le moins possible pour ne pas désespérer. Tu sais comme je suis sensible à l'absence, à la présence. Me souvenir de toi pendant un temps aussi long me casserait l'humeur, brouillerait mon repos et mes rencontres et m'empêcherait de vivre au présent. Je suis certaine que tu comprendras mon amour, tu comprends tout. 

Je t'aime.


Isabelle





« Je ne t'enverrai pas de lettre pendant mes vacances. »

Ah cela commence bien ce courrier pour m'annoncer qu'il n'y en aura pas. Et si je compte les lignes, il y en a quatre et demi.  Le « je t’aime" final cela ne compte pas. 

Moi aussi je t’aime, enfin je crois, parce que là tu me les brises vraiment Isa! Toujours aussi pleine de recommandations du genre coach de bien-être :  «  Prenez soin de vous d’abord » ,« Vivez l’instant présent » ,«  Vous avez droit au bonheur » ,« Ecrivez un mantra positif et répétez le chaque jour de vos vacances ». Je n’en peux plus de ce charabia new age, marre de tes décisions unilatérales, fini d’être trop ceci et pas assez cela!  Pas de lettre, quelle bonne idée!


BOB( in petto)

mardi 14 février 2023

Pas de lettres pendant les vacances. 1.



Qu’est ce que tu écris? 

J'écris comme une alcoolique, j'écris pour oublier, j'écris le temps qui court et celui qui traine les pieds, j'écris le temps présent, celui de l'insignifiance, celui du minuscule,  j'écris pour rester en vie, j'écris parce que tu n'es pas là, j'écris mon désir inutile, j'écris le mur d'eau entre la feuille et moi, j'écris parce que je ne peux pas faire autrement.


Qu'est ce que tu écris? 

J'écris les mots qui courent, les larmes égarées dans les aéroports et les regards pressés, j'écris les messages des amoureux sur les téléphones portables, j'écris la voix intemporelle qui annonce les arrivées et les départs , j'écris les vacances obligées, parquées, emmurées, j'écris le temps quelconque, indifférent, cotonneux, suspendu, j'écris ton absence, j'écris le silence au plein milieu du bruit.


Qu'est ce que tu écris?

J'écris Boeing, Boeing, Boeing... du tapis plain dans un avion ce n'est pas sain, les consignes fabriquent la sécurité, l'hôtesse s'ennuie en répétant son texte, je reconnais le bleu du ciel au dessus des nuages, toujours pareil, le steward est fatigué et le capitaine est muet aujourd'hui, pas de message pendant les vacances.


Qu'est ce que tu écris?

J'écris l'attente, le mur d'eau est de nouveau là, j'écris pour faire une provision de mots qui resteront coincés, j'écris pour m'apprivoiser, j'écris mon sourire mouillé, j'écris sans mot.


Qu'est ce que tu écris? 

La vie aujourd'hui.


lundi 6 février 2023

le hasard, les astres, le destin... que sais-je?

Cette semaine là, à quelques jours d’intervalle, 
Ernest m’a quittée,
Un camion est entré dans ma façade et presque dans mon salon,
Ma grand-mère s’est suicidée.
Je ne m’attendais à aucun de ces évènements. 
Ernest me disait que j’étais la femme de sa vie.
Ma rue descend en ligne droite et est peu fréquentée.
Ma grand-mère était croyante et en bonne santé.

    Je ne vais pas développer le premier évènement: je suis larguée par Ernest. Je sais depuis longtemps que, comme la schtroumpfette, les hommes sont légers, volatiles, roués, mensongers, de mauvaise foi, inconséquents, sots, rusés… (Je n’invente rien, c’est la recette de Gargamel pour fabriquer une schtroumpfette: un peu de légèreté, de volatilité, un brin de rouerie, un soupçon de mensonge etc…) 
Que Ernest, qui est un homme, quitte illico la femme de sa vie alors qu’il vient de lui faire cet aveu, c’est banal presque. Cet abandon était accompagné de plaintes, de mea culpa, d’aveux de vénération, « je suis le dernier des derniers, je rate toutes les occasions d’être enfin heureux, le bonheur n’existera jamais pour moi, je t’aimerai toujours et à jamais. » - c’est bizarre cette expression, non?-  Il y en avait tant et tant que j’avais presque pitié de lui. Pauvre homme. Privé de l’amour de sa vie au seuil de la vieillesse… J’ai été obligée de m’écrire dans un cahier pour me raisonner: «  Ne t’attendris pas.C’est lui qui a décidé de trancher notre lien à la hache, selon son expression. Tu vas finir par lui trouver des excuses dans son enfance comme dans les émissions psy sur RTL. Garde ta rage, ta rogne. C’est un lamentable looser oui! Il t’a mitonné un fameux canular de dernière minute. Non, non, arrête de pleurer, t’es dingue ou quoi. Mais non, tu ne vas pas lui écrire, tu ne vas pas l’attendre. T’es pas une midinette, tu ne vis pas dans un roman photo. Du punch ma vieille, trouve un amant ou achète un canari! Occupe-toi quoi! »

Bon, je veux bien faire une seule concession en sa faveur à Ernest. Il a peut-être été sous l’influence de la comète qui risquait, selon la NASA, de percuter la terre dans les jours suivants.
 
    Deux jours après cette rupture brutale, un camion est entré dans ma façade. Tout aussi brutalement. Pas n’importe quel camion. Un camion Tata, un camion indien, rouge vif, entièrement décoré d’une surabondance d’ornements jaunes de toutes sortes. J’en ai vu beaucoup de pareils dans l’Himalaya. J’ai compris trop tard qu’il manquait ici quelque chose d’essentiel pour la conduite de ces engins: les poteaux couverts de citations qui rythment le temps sur les routes en lacets que parcourent les camions Tata. Les routes sont en Indes beaucoup plus dangereuses que la rue Loiseau à Namur mais les recommandations surprenantes de sagesse que lisent les conducteurs tous les 500 mètres les incitent à une conduite prudente. Déporté en occident, un conducteur de Tata perd le nord même en ligne droite. Sans ses balises habituelles, il se retrouve logiquement quasi dans mon salon.

Je m’interroge cependant à propos de l’influence maléfique de l’astéroïde sus mentionné sur la conduite d’un véhicule mythique en dehors de son lieu d’origine. Les astres condensent les difficultés, on le sait.
 
    La semaine suivante, ma grand-mère s’est suicidée. Une expérience brutale pour elle et pour moi. J’ai toujours cru qu’elle était croyante et incapable de ce geste. Mais depuis son décès, je doute. Je connais sa curiosité, son insatiable curiosité qu’elle comparait à celle de l’enfant d’éléphant de Kipling. Je l’ai vu faire de l’escalade à 80 ans, apprendre le russe deux ans plus tard -difficilement il est vrai- s’inscrire pour un championnat d’aviron sur la Meuse et passer avec succès l’épreuve éliminatoire à 84 ans. Son équipe n’a pas été sur le podium mais presque...
Quand j’y repense, ces deux caractéristiques, intense curiosité et brillante santé, auraient dû me préparer à son suicide. Ma grand-mère chérie n’a pas pu attendre  plus longtemps pour découvrir le mystère d’une vie hypothétique  après la mort, elle à qui mon grand-père disait: «  on devra t’achever au fusil tellement tu tiens la forme… ». Elle a trouvé une solution simple pour ne pas rester coincée sur terre avec cette question sans réponse. J’aurais pu prévoir cette issue. 

Et la planète, non la comète, ou l’astéroïde, enfin l’objet céleste qui s’approchait, cela a dû lui donner un coup de pouce. Une sorte d’eurêka astrologique.

vendredi 20 janvier 2023

Un voyage en train

 C’est fait. Je suis capturé. Marqué, tatoué. Brûlé, incendié. Par des ballerines rouges, un jean bleu, un boléro rouge sur un t-shirt blanc. 

    Je déteste la mode des tatouages. Elle en a un sur le haut de la pommette gauche, un minuscule dauphin qui m’asperge de rêves. Elle me sourit comme le chat d’Alice. Au coin de la rue sous un balcon, chez le boulanger entre les pains bien rangés, sur le mur de mon bureau derrière l’écran de l’ordinateur. Son visage de petit félin flotte au fond de ma tasse de thé, il clignote sur le plafond au dessus de mon lit, je veux le toucher , il s’évanouit lentement dans un nuage de patchouli.

J’invente sa voix que je ne connais pas. Une voix de toréador féminin, une voix d’alto, assortie à ses cheveux en bataille, couleur châtaigne. Je l’imagine sur la pointe des pieds, déterminée à me planter des banderilles en plein coeur, après m’avoir frôlé encore et encore de son boléro rouge. 

Ses seins sont minuscules et ses fesses me plaisent. 


Comment vous parler d’elle? C’est difficile. Je rêve entre chaque phrase, je m’évade, je vogue entre deux eaux, je perds le souffle, je m’égare. Je sais, ce n’est pas raisonnable, dirait ma mère. Un tsunami hormonal. Un Ave Maria laïque. Un glissement de terrain interne. On ne peut pas se défendre contre les catastrophes naturelles. Elles font partie de la vie.

Je l’ai vue sur le quai de la gare de Crest, en Drôme, il y a deux jours. Elle sautait dans le train vers Montélimar. A la dernière minute. Les portes ont presque mangé son boléro rouge.

Tout éveillé, je rêve d’une vie nouvelle: je quitterais Namur, je vendrais mon appartement. Ma mère penserait que je suis cinglé, elle voudrait me déshériter mais ce n’est pas possible, je suis son fils unique, elle a besoin de moi pour râler, pour décider à ma place, pour me culpabiliser, pour se sentir vivante.

    Je louerais une chambre à Crest, pas trop loin de la gare. Il y a cinq trains par jour entre Crest et Montélimar. J'attendrais sur le quai. Le troisième jour, elle serait là. C’est l’hiver. Elle porte des bottes rouges, un jean bleu, une parka noir foncé, un bonnet rouge. Le dauphin doit regretter l’été sur sa joue pâle. Je sauterais dans le train derrière elle. Je n’ai pas pensé à acheter un billet. Je cherche le contrôleur, je ne veux pas payer une amende, ce serait un mauvais présage. Le train est beaucoup plus long que je ne l’imaginais et le contrôleur est évanescent. Mais où est-il, que diable? Un train a peu de lieux inconnus du public où un contrôleur peut se planquer pour rêver, écrire, fantasmer. Je le trouve enfin, je lui achète un billet, je suis soulagé.


Mais où est ma toréador en costume d’hiver? J’imagine m’asseoir auprès d’elle. Devant elle ou à côté d’elle? J’hésite. Je me souviens que la psy m’a dit: «  Vous êtes un visuel. » J'irais m'asseoir en face de ma torera. Comment l’aborder? Je devrais lui parler avant d’arriver à Valence sinon c’est fichu. Décidément, ce rêve est poussif. Je donne un coup d’accélérateur à mon imagination et elle est là. Elle a enlevé sa parka noir foncé. Je vois ses petits seins sous son pull rouge, elle n’a plus de bonnet et ses cheveux emmêlés dessinent un mouvement tendre autour de son visage. Elle a les yeux verts, ce que j’ignorais. Et elle me voit. Elle me voit! J’abandonne ma timidité, ma gaucherie, mes hésitations. Je suis un hidalgo, plus vaillant que Don Quichotte et bien plus séduisant, je pourrais conquérir un harem entier mais je tiens ma libido rennes serrées. Je lui parle en alexandrins, debout sur la banquette, je lui déclare mon amour sans bégayer, les mots coulent en fontaine claire, ma torera m’écoute. Elle m’écoute et ses yeux brillent...

 

Il n’y a pas de wagon restaurant , pas de wagon couchettes mais comment font les autres amoureux fous entre Crest et Montélimar? La SNCF fait décidément des économies sur tout, les voyageurs ne disposent plus du confort vital. Il y a bien des wagons à vélos mais c’est inutile quand on est débordant de désir. Aucun endroit pour danser, la tenir dans mes bras, respirer l’odeur de sa peau au creux de son cou, mêler nos jambes sans lui écraser les pieds. Alors je jouerais mon atout. Je l’inviterais en voyage. En train bien sûr. Je lui raconterais mon rêve: le transsibérien Paris-Moscou-Pékin. Avec elle. Je louerais un compartiment pour quatre mais nous ne serions que deux. Nous dormirions serrés sur la banquette du haut. Elle pourrait redescendre au milieu de la nuit si elle le souhaite. Je ne protesterais pas malgré ma tendre frustration. Nous vivrions plusieurs semaines dans un cocon mobile, alternant le luxe du Paris-Moscou et l’ennui autour du samovar pendant les longues heures de contrôle prétexté par les autorités russes aux objectifs mystérieux.


Nous nous arrêterions dans des villages perdus, avant de reprendre le train suivant. J’apprendrais le russe avant de partir, je le promets. Nous irions au sauna à Irkoutsk, en bateau sur le lac Baïkal, nous mangerions du caviar chaque fois qu’elle le voudra, avec du champagne russe si j’en déniche. Elle ne voudrait pas aller à Pékin? Nous n’irions pas. Nous partirions en caravane dans le désert de Gobi, nous logerions en yourte dans un campement mongol, non cela ne sent pas le beurre rance et le cheval sauvage, je ne crois pas. Les douches? J’irais ramasser des bouses sèches et je chaufferais de l’eau pour rincer ton corps mignon, ma torera chérie. La nourriture? Je ne sais pas. Dans les guides, ils écrivent toujours: « pas de wagon restaurant , prévoir un pique-nique. » Est-ce que les piques-niques russes sont pires que les Mac-Do américains? Je ne crois pas. 



Mes fantasmes me tiennent en éveil, je ne dors toujours pas. Demain je participe à une course-relais à la citadelle de Namur. Au profit des TSE. Les travailleurs sans emploi. Les chômeurs en novlangue. « Au profit » n’est pas le bon terme. C’est une action coup de poing, coup de pied plutôt, pour attirer l’attention sur le lien entre la précarité sociale et le délabrement de la planète. Faut que je dorme, absolument. Pardon ma torero, faut vraiment que je dorme.