lundi 20 août 2012

La peinture, l'écriture et la gloire.






Mon prénom c'est Hugo et j'en ai vraiment marre de la vie.

           Tout à l'heure, je me promenais dans la rue. J'ai croisé un vieil ami peintre; je le connaissais bien il y a dix ans, du temps où j'étais peintre moi aussi. Nous avons même partagé un atelier. Nous avons partagé un modèle aussi, discrètement. Il ne m'a pas reconnu. Évidement, il est devenu célèbre, lui.

"Si j'avais été malin, je serais resté peintre. Mes amis ont gagné plus avec leur peinture que moi avec mon écriture. Mais je trouvais que la peinture ne m'imposait pas assez d'exigences. On peut être débile et néanmoins bien peindre, comme écrivain, on ne peut pas se le permettre.

Savez-vous comment on fait une mauvaise peinture? Avec le même enthousiasme qu'une bonne.

Quand je fais des taches, je ne m'ennuie pas. Je suis encore parfois pris d'une immense nostalgie pour l'existence de peintre." (1)

           Une vie de peintre, c'est une vie joyeuse, colorée, évidemment. Il ne faut pas nécessairement savoir dessiner. (Et puis le dessin, très souvent, c'est en noir et blanc, c'est plus aride. Un seul avantage, c'est plus nomade: un carnet et un crayon dans la poche suffisent.) Un peintre vit dans la lumière, elle l'accompagne tout le temps, c'est elle qui crée les couleurs du tableau.
           À un peintre, il faut du matériel: des pinceaux pointus, dodus, carrés, ronds, dont le toucher varie du doux au piquant, des couleurs dont l'odeur change, dont la permanence, la transparence, l'épaisseur n'est .jamais la même, des liants qui ont des noms mystérieux, des supports d'une infinie variété.
          Et puis, il y a le modèle: le paysage, la composition pour la nature morte et surtout le modèle vivant.
C'est le modèle qui inspire le peintre, qui est là sous ses yeux, à la portée de sa main.
Je respire son odeur, j'imagine la douceur de sa peau, je vois la veine de sa cuisse, presque bleue et je sens la chaleur de son sein. Chaque tableau, même mauvais, c'est toute une aventure.

         Si j'avais été malin, je serais resté peintre. Mais j'ai commencé à écrire. Je vis dans une chambre noire, sans modèle. Les mots se développent lentement, résistent, baignent dans mon liquide cérébral sans vouloir en sortir, gardent des contours imprécis, les images naissent floues,les phrases hoquettent au lieu de se dérouler comme un film...
Une toute petite lumière rouge me guide dans ce travail d'écriture: il faut trouver en moi la faille qui conduit vers le rythme,la fluidité et la couleur de la vie.



(1) Ces trois derniers paragraphes sont extraits de "La version Claus" de Mark Schaevers et Hugo Claus éditions Adan. J'ai oublié de noter la page, cela vous obligera à lire tout le livre et c'est tant mieux.

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