Mon prénom c'est Hugo et j'en ai
vraiment marre de la vie.
Tout à l'heure, je me promenais dans
la rue. J'ai croisé un vieil ami peintre; je le connaissais bien il y a dix
ans, du temps où j'étais peintre moi aussi. Nous
avons même
partagé un
atelier. Nous avons partagé un modèle aussi, discrètement. Il ne m'a pas reconnu. Évidement, il est devenu célèbre, lui.
"Si
j'avais été malin, je serais resté peintre. Mes amis ont gagné plus avec leur peinture que
moi avec mon écriture.
Mais je trouvais que la peinture ne m'imposait pas assez d'exigences. On peut être débile et néanmoins bien peindre, comme écrivain, on ne peut pas se le
permettre.
Savez-vous
comment on fait une mauvaise peinture? Avec le même enthousiasme qu'une bonne.
Quand je
fais des taches, je ne m'ennuie pas. Je suis encore parfois pris d'une immense
nostalgie pour l'existence de peintre." (1)
Une
vie de peintre, c'est une vie joyeuse, colorée, évidemment. Il ne faut pas nécessairement savoir dessiner.
(Et puis le dessin, très souvent, c'est en noir et blanc, c'est plus aride. Un
seul avantage, c'est plus nomade: un carnet et un crayon dans la poche
suffisent.) Un peintre vit dans la lumière, elle l'accompagne tout le temps, c'est elle qui crée les couleurs du tableau.
À un peintre, il faut du matériel: des pinceaux pointus,
dodus, carrés,
ronds, dont le toucher varie du doux au piquant, des couleurs dont l'odeur
change, dont la permanence, la transparence, l'épaisseur n'est .jamais la même, des liants qui ont des
noms mystérieux,
des supports d'une infinie variété.
Et puis, il
y a le modèle:
le paysage, la composition pour la nature morte et surtout le modèle vivant.
C'est le
modèle
qui inspire le peintre, qui est là sous ses yeux, à la portée de sa main.
Je
respire son odeur, j'imagine la douceur de sa peau, je vois la veine de sa
cuisse, presque bleue et je sens la chaleur de son sein. Chaque tableau, même mauvais, c'est toute une
aventure.
Si j'avais été malin, je serais resté peintre. Mais j'ai commencé à écrire. Je vis dans une chambre
noire, sans modèle.
Les mots se développent
lentement, résistent,
baignent dans mon liquide cérébral sans vouloir en sortir, gardent des contours imprécis, les images naissent
floues,les phrases hoquettent au lieu de se dérouler comme un film...
Une toute
petite lumière
rouge me guide dans ce travail d'écriture: il faut trouver en moi la faille qui conduit vers
le rythme,la fluidité et la couleur de la vie.
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